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77e anniversaire de la libération de Toulouse

Mairie de Toulouse / Communiqué de presse

Publié le

Discours de Jean-Luc Moudenc

Monsieur le Préfet, Secrétaire Général de la Préfecture,
Monsieur le Conseiller Régional, représentant de Mme la Présidente du Conseil Régional,
Monsieur le Vice-Président du Conseil Départemental,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Messieurs les Officiers Supérieurs, Mon Général, bienvenue,
Monsieur le Président du Comité Départemental de la Résistance, cher Alain Verdier,
Messieurs les représentants des associations patriotiques et d’Anciens Combattants,
Mesdames et Messieurs les Porte-drapeaux,
Mesdames et Messieurs,

Voilà aujourd’hui 77 ans que des jeunes gens, n’écoutant que leur courage et leur amour de la patrie, s’attaquèrent, ici à Toulouse, de manière décisive, aux forces de l’occupant.

Fidèle à son histoire, notre cité n’a pas été libérée par l’intervention directe des armées alliées, mais par la force de caractère et l’intrépidité de Toulousains et de Hauts-Garonnais.

Avec émotion et respect, rappelons-nous les milliers de résistants et de maquisards qui ont porté dans leur cœur et dans leurs actions l’idée de la France Libre, au plus dur d’une occupation violente et totalitaire, secondée par un régime de collaboration qui avait abdiqué tant de l’honneur que des principes démocratiques.

Dans cette période sombre que traversait notre pays, ces résistants, des jeunes souvent, payèrent parfois de leur vie leurs convictions et permirent à la flamme de la France libre et éternelle, digne et porteuse des valeurs humanistes, de ne pas s’éteindre sous la botte des Allemands et des milices collaborationnistes.

Ils sont, encore aujourd’hui, un symbole de courage, d’altruisme, de patriotisme, comme le furent les soldats américains, britanniques, canadiens, français tombés sur les plages de Normandie, ou les Français de tout l’Empire morts en Italie et en Provence.

Ravanel, Cassou, Verdier, Trentin, Vernant, Langer, Carovis, tous étaient les combattants de la liberté, de notre liberté.

Rappelons-nous également de Jules-Géraud, Cardinal Saliège, qui, Archevêque de Toulouse pendant l’Occupation, avait eu le courage de braver le pouvoir pétainiste en faisant lire dans toutes les églises du diocèse une lettre condamnant les persécutions antisémites.

Il y a un an jour pour jour, lors de cette cérémonie du Dix Neuf Août, je vous annonçais l’ouverture au public projetée quelques mois plus tard d’un nouveau lieu de mémoire, le Castelet réhabilité de la prison Saint-Michel. La promesse a été tenue et cet événement a eu lieu le 29 octobre 2020. Dans le respect de sa conception architecturale, le Castelet voit de nouveau sa silhouette aux allures de château-fort s’inscrire avec singularité dans notre espace urbain. Un parcours muséographique y retrace son histoire, qui fut particulièrement marquante pendant l’Occupation, puisque des résistants, des juifs, des prisonniers politiques y furent incarcérés et parfois même exécutés, comme Marcel Langer. Ce Castelet rénové constitue un hommage permanent à ces héros de la Résistance toulousaine, tombés aux mains de l’ennemi.

La cérémonie qui nous réunit ici chaque année a pour finalité première d’entretenir ce souvenir dont la mémoire est attaquée par l’éloignement du temps qui passe inexorablement. Et, aussi, de rendre hommage à ces héros, en leur exprimant notre gratitude pour ce que notre patrie et nous-mêmes leur devons, encore aujourd’hui.

Pour autant, au-delà de cette indispensable approche et des conventions protocolaires, je tiens, chaque fois, à y ajouter une réflexion personnelle en lien avec l’actualité. Ceux qui viennent habituellement savent que je suis attaché à ce libre propos à usage du temps présent, car j’ai la conviction que ce que nous commémorons chaque Dix Neuf Août recèle de très utiles enseignements pour nous, aujourd’hui.

En ce 19 août 2021, 77 ans après la Libération de notre ville, au travers des remous de notre actualité et des légitimes inquiétudes pour notre avenir, voici que des prophètes de l’effondrement, des opportunistes, des nostalgiques des ordres sombres, des complotistes soufflent sur les braises d’un peuple français de plus en plus en perte de repères collectifs.

Ainsi, depuis plusieurs semaines, des cortèges de manifestants aux motivations hétéroclites clament que nous sommes en dictature tandis que certains ont même osé ressortir l’étoile jaune tandis que d’autres désignaient des Juifs à la vindicte, nominativement et sans vergogne. Ces cortèges défilent aussi tous les jours sur les réseaux sociaux, véhiculant les mêmes messages, très souvent sur un ton violent.

Dans un tel contexte, notre cérémonie de ce jour nous éclaire, elle nous donne de retrouver le sens des mots, le vrai, celui qui permet de distinguer sans ambiguïté démocratie et dictature, liberté et oppression, réalité et désinformation.

Face à l’usage détourné des expressions galvaudées de « liberté » et de « démocratie », pour servir de paravent à des discours nauséabonds et antisémites, faisons nôtre cette très juste réflexion de Churchill : « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre ».

Le premier rappel que je ferai de ce passé, c’est celui de quatre années d’occupation brutale, de discriminations, de rafles, d’exécutions sommaires, qui avaient fait payer à notre communauté nationale, dans toute sa diversité, un très lourd tribut. Oui, dans cette Europe de la première moitié des années 40, on était exterminé avec la dernière inhumanité parce qu’on était juif, tzigane, homosexuel, handicapé ou démocrate. Des millions de morts, victimes de la barbarie, de l’intolérance, de l’amalgame.

Rappelons-nous aussi un deuxième élément important : à l’époque, les démocraties européennes avaient progressivement vacillé face aux coups de boutoir ce ceux qui prétendaient ériger un « Ordre nouveau », en rupture avec le socle de civilisation constitué par l’apport successif des valeurs gréco-romaines, judéo-chrétiennes et des Lumières. Les démocraties avaient plié parce qu’elles n’avaient pas su faire preuve de décision, de courage, de fermeté et d’autorité. De concessions en compromissions, de reculs en faiblesses, leur lente abdication morale avait permis aux ennemis de la démocratie d’user de toutes les libertés démocratiques pour détruire ces mêmes libertés.

Aujourd’hui, l’Europe et la France dans lesquelles nous vivons n’ont rien de similaire avec celles où vivaient ceux qui ont donné leur vie pour libérer Toulouse. C’est une évidence mais, visiblement, il est nécessaire de souligner les évidences, tant le mensonge et la désinformation font des ravages dans l’opinion à l’heure actuelle.

Défiler en 2021 avec l’étoile jaune sur laquelle est mentionnée « non-vacciné » et répéter à satiété que nous sommes en dictature c’est donc, non seulement travestir la vérité du temps présent, mais aussi insulter de la façon la plus indigne qui soit les déportés et les résistants de la période sombre de l’Occupation.

Et, quand on parle de dictature simplement parce que notre Gouvernement légitime, issu de nos choix électoraux, prend ses responsabilités et des décisions pas toujours populaires au nom de l’intérêt général et de la santé des Français, c’est falsifier gravement et grossièrement la définition de ce qu’est une dictature.

Sommes-nous en dictature alors que les mesures sanitaires ont été adoptées par le gouvernement choisi par le peuple français, modifiées et votées par le Parlement issu du suffrage démocratique et validées par le conseil constitutionnel en application des textes qui régissent la république française ?

Sommes-nous en dictature alors que l’alternance politique est possible dans notre pays et qu’un processus électoral libre et équitable se met en place pour les mois à venir, qui se conclura par une élection présidentielle dans 8 mois et des élections législatives quelques semaines après ?

Plus que jamais, méditons cette phrase de Jean Jaurès, « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains, aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ». Fin de citation.

Également, il nous faut affirmer sans détours que l’exercice de nos libertés est indissociable de notre responsabilité.

La liberté, ce n’est en aucun cas « faire ce que je veux quand je veux », au détriment du bien commun et au mépris du vivre-ensemble.

Comme le disait justement il y a peu Alain Jakubowicz, ancien Président de la Licra, «Autrefois, la Résistance c’était mettre sa vie en jeu pour la liberté des autres. Aujourd’hui, certains préfèrent mettre en jeu la vie des autres pour leur liberté ». Fin de citation.

La liberté authentique, celle pour laquelle se sont battus nos héros résistants de 1944, c’est celle qui s’exerce en prenant en considération l’intérêt général.

Parce ces femmes et ces hommes se sont battus, parfois au prix de leur vie, pour notre liberté et notre démocratie, nous nous devons d’être intransigeants sur leur héritage, intransigeants sur nos valeurs, intransigeants dans la défense de l’idéal républicain.

C’est pourquoi, pour retrouver la concorde nationale, renouer avec notre pacte social et être fidèle aux idéaux de ceux qui se sont battus pour nous, l’Etat démocratique doit affirmer avec force et constance son autorité et assumer ses choix, sans céder aux pressions des minorités violentes et médiatisées.

Vive la Paix et la Fraternité, vive Toulouse et vive la France !

Je vous remercie. »