Discriminations : foire aux questions

Pratique

Lois, recours, sanctions... voici une liste de questions réponses utiles en matière de lutte contre les discriminations.

Que dit la loi ?

En France, la législation sur la discrimination est principalement régie par le Code pénal et le Code du travail. Voici les principaux éléments de la législation :

Définition de la discrimination

En droit, une discrimination est un traitement défavorable qui doit généralement remplir deux conditions cumulatives : être fondé sur un critère défini par la loi (sexe, âge, handicap…) ET relever d'une situation visée par la loi (accès à un emploi, un service, un logement…).

Il y a discrimination lorsque trois éléments sont réunis :

  • un traitement défavorable envers une personne ou un groupe de personnes ;
  • en raison de critères définis par la loi (origine, handicap, sexe, religion, orientation sexuelle, apparence physique, …) ;
  • dans un domaine prévu par la loi (l’emploi, l’éducation, le logement, l’accès aux biens et services publics et privés).

La loi reconnait plus de 25 critères de discrimination (voir ci-dessous)

Défavoriser une personne en raison de ses origines, son sexe, son âge, son handicap ou encore ses opinions politiques ou philosophiques est interdit par la loi et les conventions internationales auxquelles adhère la France.

La liste de ces critères a plusieurs sources. Les conventions internationales et textes européens définissent un socle de critères fondés sur les caractéristiques de la personne. Le législateur français a ajouté des critères spécifiques.

Critères relevant de la seule législation française

Situation de famille
Exemple : un propriétaire ou un bailleur refuse de louer un appartement à une mère isolée.

Apparence physique
Exemple : un employeur refuse d'embaucher une personne en raison de son obésité. 

Nom
Exemple : un employeur refuse d'accorder un entretien d'embauche en raison d'un nom à consonance étrangère.

Mœurs
Exemple : un employeur refuse d'employer un individu parce qu'il est fumeur.

Lieu de résidence
Exemple : un commerçant refuse d'encaisser le chèque d'un individu parce qu'il habite dans un département voisin.

Perte d'autonomie
Exemple : une personne âgée hébergé en EHPAD, se plaint de ne pas avoir accès à ses lunettes.

Vulnérabilité particulière résultant de la situation économique
Exemple : une banque refuse d'ouvrir un compte bancaire à une personne domiciliée dans une association.

Capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français
Ce critère peut faire l'objet de plusieurs interprétations très distinctes. Les tribunaux indiqueront celle qu'il convient de retenir.

Domiciliation bancaire
Exemple : dans le cadre de la location d'un logement en métropole, refus d'une caution d'une personne domiciliée outre-mer.

Qualité de lanceur d’alerte, qualité de facilitateur d'une alerte ou lien avec un lanceur d’alerte
Exemple : subir des représailles après avoir lancé une alerte.

Critères issus de textes internationaux ou européens

Âge
Exemple : une banque refuse d'accorder un crédit à la consommation en raison de l'âge.

Sexe
Exemple : une employée gagne moins que son collègue masculin, qui exerce un travail comparable.

Origine
Exemple : un employeur refuse d'embaucher un individu à cause de ses origines étrangères.

Appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation ou une prétendue race
Exemple : un camping refuse de louer une placeà un individu parce qu'il est étranger.

Grossesse
Exemple : une employée n'a pas retrouvé son poste à son retour de congé maternité.

État de santé
Exemple : un employeur refuse de renouveler un contrat suite à un arrêt maladie.

Handicap
Exemple : une école refuse de laisser une personne en situation de handicap participer à une sortie scolaire.

Caractéristiques génétiques
Exemple : soumettre une personne à des tests génétiques dans le cadre de l'examen médical préalable à l'embauche.

Orientation sexuelle
Exemple : une société refuse de louer une salle pour un mariage parce que le couple est homosexuel.

Identité de genre
Exemple : refus de l'employeur de modifier le nom et le genre d'une employée transgenre sur ses fiches de paye.

Opinions politiques
Exemple : une société a refusé de louer une salle à un groupe en raison d'opinions politiques divergentes.

Activités syndicales
Exemple : la carrière d'un employé n'a pas connu d'évolution depuis qu'il s'est présenté comme délégué syndical.

Opinions philosophiques
Exemple : une caisse de retraite refuse de prendre en compte les trimestres accomplis pendant le service national d'un individu qui a été objecteur de conscience.

Croyances ou appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée
Exemple : une personne s'est vu refuser l'accès à un magasin à cause de son voile.

La loi reconnait les discriminations dans plusieurs grands domaines et a reconnu progressivement des situations spécifiques.

Les domaines reconnus par la loi

  • l'accès à l'emploi, la carrière, la sanction disciplinaire, le licenciement ;
  • la rémunération, les avantages sociaux ;
  • l'accès aux biens et services privés (logement, crédit, loisirs) ;
  • l'accès aux biens et services publics (école, soins, état civil, services sociaux) ; 
  • l'accès à un lieu accueillant du public (boîte de nuit, préfecture, magasin, mairie) ;
  • l'accès à la protection sociale ;
  • l'éducation et la formation (condition d'inscription, d'admission, d'évaluation, etc.).

Les situations spécifiques assimilées à des discriminations

Au fil du temps, le législateur a choisi d'assimiler certaines situations à des discriminations. Dans ces hypothèses, listées ci-après, doivent être caractérisées des circonstances de fait sans qu'il soit nécessaire de faire expressément référence à un critère particulier :

  • le refus d'inscription à la cantine lorsque ce service existe ;
  • le refus d'accès aux soins de santé ;
  • le refus de souscription d'un contrat d'assurance ou la prise en compte dans le calcul des primes et des prestations ayant pour effet des différences en matière de primes et de prestations adressé(e) à un donneur d'organes, de cellules ou de gamètes ;
  • le refus d'inhumation à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort.
  • les inégalités de traitement, représailles ou mesures de rétorsion liées :
    • à l'exercice du droit de grève ;
    • à l'exercice des activités mutualistes ;
    • à l'exercice des fonctions de juré ;
    • au refus opposé par un salarié à une affectation sur un poste situé dans un pays incriminant l'homosexualité ;
    • au refus ou à l'acceptation de subir des faits de bizutage ;
    • au fait d'être « lanceur d'alerte ».

Comment déposer plainte ?

Si vous voulez faire valoir vos droits devant une juridiction, n'oubliez pas de déposer plainte dans les plus brefs délais, quel que soit les autres démarches que vous avez intentées (médiation, transaction, règlements à l'amiable). Afin d’évaluer l’opportunité d’engager un contentieux, il convient de prendre conseil auprès d’avocates, d’avocats.

Il faut savoir que la saisine du Défenseur des Droits ne suspend pas les délais pour intenter une action en justice.

À l'embauche, à l'entrée d'une boîte de nuit, dans le domaine de la protection sociale ou dans la fourniture de biens et services, à cause de l'origine, du sexe ou du handicap..., les discriminations sont nombreuses. En fonction de chacune, la victime présumée doit saisir la juridiction adaptée.

La plainte doit mentionner :

  • le nom et prénom de la personne qui s'estime victime de harcèlement et de ceux à qui ce harcèlement est reproché ;
  • la nature et les circonstances de temps et de lieu du préjudice allégué. La plainte doit être datée et signée par la personne plaignante.

L'intervenante ou l'intervenant analyse la recevabilité de la plainte à partir des faits rapportés par la personne qui s'estime victime d'une conduite vexatoire. Si la plainte est non recevable, c'est-à-dire si elle ne correspond pas aux définitions de harcèlement psychologique, sexuel ou à de la discrimination, l'intervenante ou l'intervenant dirige, selon le besoin, la personne vers les ressources appropriées.

Un dépôt de plainte peut être enregistré : 

  • Au commissariat de police ;
  • à la gendarmerie ;
  • en écrivant directement au procureur de la République. 

A savoir
Un dépôt de plainte ne peut pas être refusé. Il est également interdit de vous imposer de déposer une main courante plutôt qu'une plainte. Toutefois, si le motif de la plainte relève du civil, vous serez redirigé vers le tribunal civil ou la conciliation.

Vous pouvez être accompagné par les structures suivantes :

  • Défenseur des Droits ;
  • Conseil départemental de l'accès au droit ;
  • la Maison des avocats ;
  • le Centre d'information sur le droit des femmes et de la famille ;
  • la Maison de la justice et du droit ;
  • des associations peuvent également être vos interlocuteurs.

Diverses Organisations Non Gouvernementales (ONG) œuvrent également dans le domaine de la discrimination et de la diversité à travers l'Europe. Attelées à la sensibilisation sur la discrimination, ces organisations peuvent vous fournir informations et soutien si vous avez subi une discrimination.

Sur la scène européenne, ces organisations se ramifient en réseaux qui travaillent en étroite collaboration avec la Commission Européenne afin de fournir des conseils sur les politiques de l'UE et de contribuer à l'élaboration de la législation européenne, mais aussi de mener des études et projets.

Citons par exemple :

  • AGE Platform Europe qui défend les droits des personnes âgées ;
  • le Forum européen des personnes handicapées (FEPH), qui défend les droits des personnes handicapées ;
  • le Réseau européen contre le racisme (ENAR), qui défend les droits des personnes issues de minorités raciales, ethniques ou religieuses ;
  • ILGA-Europe -  La Région Européenne de l'association internationale des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées, qui défend les droits des lesbiennes, des gays, des personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées ;
  • le Forum européen de la jeunesse (YFJ), qui défend les droits des jeunes.

Vers quelle juridiction se tourner ?

Les victimes et témoins de discriminations disposent de plusieurs recours.

La juridiction est pénale si on s'estime victime d'un délit.

La victime peut porter plainte dans un délai de 6 ans à compter du jour où l’infraction est commise (art. 8 du Code de procédure pénale). Les auteurs encourent des peines pouvant aller jusqu'à 3 ans de prison et 45 000 € d'amende. Pour obtenir réparation du préjudice, la victime peut :

  • se constituer partie civile dans le cas où la plainte déposée donne lieu à une procédure pénale
  • porter plainte avec constitution de partie civile, dans le cas où la plainte déposée est classée sans suite.

Bon à savoir : l'article 15-2 du code de procédure pénale fait obligation à la police judiciaire de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infraction à la loi et de les transmettre, le cas échéant à l'unité territorialement compétente ; ou directement auprès du Procureur de la République.

Lorsque le conflit oppose deux particuliers, les victimes ou témoins de discriminations disposent également d'un recours devant les tribunaux civils.

La victime peut porter plainte dans un délai de 5 ans à compter du jour où la personne a connu ou aurait dû connaître les faits (art. 2224 du Code civil). Elle doit saisir le Tribunal judiciaire (juridiction de droit commun). Cette saisine peut se faire par assignation ou par requête en fonction des circonstances de l’affaire.

Toutefois, si le litige concerne un salarié et son employeur privé, la victime doit saisir le Conseil des prud’hommes dans un délai de 5 ans à compter de la connaissance de la discrimination (art. L. 1134-5 du Code du travail). Depuis 2006, les prud'hommes sont compétents pour les discriminations à l'embauche.

L'usager du service public ou une personne travaillant pour une des fonctions publiques, les syndicats de fonctionnaires peuvent aussi saisir le tribunal administratif pour ce qui porte atteinte à leurs intérêts collectifs. La victime peut porter plainte dans un délai de 4 ans (art. 1er de la loi n° 68-1250).

À savoir : si vous avez saisi en amont le Défenseur des Droits et que vous souhaitez faire valoir vos droits, ce dernier peut présenter des observations devant les juridictions judiciaires et administratives à l'appui d'un réclamant.

Quelles sont les sanctions prévues ?

Les actes de discrimination sont passibles de sanctions pénales, incluant des peines de prison pouvant aller jusqu'à trois ans et des amendes pouvant atteindre 45 000 euros pour les personnes physiques. Pour les personnes morales, les amendes peuvent aller jusqu'à 225 000 euros.

Comment prouver un acte ou un comportement discriminatoire ?

En matière pénale, en vertu du principe de présomption d'innocence, c'est au demandeur (la victime) d'apporter la preuve des comportements discriminants qu'il dénonce et de l’intentionnalité des auteurs.

En matière civile, depuis la loi de novembre 2001,la charge de la preuve a été aménagée. Les victimes doivent apporter des éléments qui laissent présumer une discrimination. Si un faisceau d’indices permet d’établir cette présomption de discrimination, alors c’est la partie mise en cause qui doit apporter la preuve qu’il ne s’agit pas de discrimination.

Le Code du travail prévoit ainsi en son article L. 1134-1 que le salarié doit présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination à son encontre au sein de l'entreprise, de la part de son employeur ou de sa hiérarchie. Et au vu de ces éléments, ce sera à l’employeur (ou la partie défenderesse d'une manière générale) de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs mais surtout étrangers à toute discrimination à l'égard de ce salarié.

Si les preuves rapportées par l'employeur sont insuffisantes, la présomption pèsera en faveur du salarié et de la condamnation au titre de la discrimination subie.

Avec cet aménagement de la preuve, il peut donc être préférable selon la situation, d'intenter une action devant les juridictions civiles (Conseil des prud'hommes, Tribunal judiciaire) plutôt que devant les juridictions pénales (Tribunal correctionnel).

Qu'est ce que la discrimination positive ?

C'est une différence de traitement temporaire ayant pour but de favoriser une catégorie déterminée de personnes physiques ou morales au détriment d'une autre afin de compenser une inégalité de fait préexistante entre elles.

En France, le législateur peut créer des discriminations positives dans divers domaines à condition de ne pas se fonder sur des critères interdits pas la constitution tels la race, l'origine ou la religion, mais sur des critères admissibles comme ceux fondés sur l'âge, les caractéristiques sociales des individus ou leur localisation géographique.

Quelles sont les mesures de lutte contre la discrimination à l'embauche ?

Le CV anonyme

La loi sur l'égalité des chances a prévu dans ses dispositions la généralisation du cv anonyme pour lutter contre les discriminations à l'embauche. Le cv anonyme ne comporte en principe aucune indication permettant d'identifier le postulant à savoir le nom et prénom, l'âge, le sexe, la nationalité, la photographie. Toutefois ce dispositif n'a pas été généralisé, faute de décret d'application de la loi de 2006.

A propos du handicap

Depuis 1987, les entreprises de plus de 20 salariés ont l'obligation de recruter des travailleurs handicapés à hauteur de 6% des effectifs dans le secteur public et privé.

Pour aller plus loin