C'est l’Atelier Jacqueline Osty et Associés qui imagine les évolutions possibles pour le projet du Grand Parc Canal, l’aménagement du canal du Midi, canal de Brienne et canal de Garonne sur 30 km, de Saint-Jory à Toulouse en passant par Lespinasse et Fenouillet. Rencontre avec la chef d’orchestre de cet ambitieux projet de mise en valeur de l’ouvrage de Pierre-Paul Riquet et des canaux toulousains.
Que retenir de la concertation avec les habitants ?
Cette démarche* était essentielle pour construire ce projet d’aménagement dont l’ambition vise à constituer une traversée végétale, avec les canaux pour colonne vertébrale. La particularité est là : il concerne des territoires très contrastés – entre la campagne et le plein centre-ville, différents quartiers et autant d’ambiances qu’il était indispensable, pour nous concepteurs, de saisir. Les témoignages des usagers ont fait apparaître un attachement fort à « leur » canal, quels que soient la génération ou le milieu social.
J’ai été très touchée par ce lien partagé. Les habitants vivent véritablement le cours d’eau comme une présence et sont très sensibles à la poésie des lieux, bien qu’ils soient aujourd’hui surtout dédiés à la circulation automobile. Ils s’y projettent dans l’idée de la contemplation, de la promenade, d’un apaisement retrouvé.
Ce canal rêvé fait finalement appel à des choses très sensées : un écrin naturel préservé, des espaces de promenade et d’animations, des déplacements plus fluides, etc.
* Concertation de terrain menée par Comm1Possible
Quelles seront les grandes lignes du projet Grand Parc Canal ?
Le projet croise les dimensions environnementale, patrimoniale avec les ouvrages tels que les écluses ou les ponts, et urbaine avec un lien entre le canal et les quartiers proches.
Il s’agit en premier lieu de permettre l’accueil du vivant -végétal et humain. Végétaliser, « naturer » sans dénaturer l’esprit des lieux. Puis créer des espaces de rencontre, de promenade et des circuits vélo.
Il s’agit aussi de réactiver le plan d’eau, en lien avec VNF* : accueillir des commerces, des lieux d’animation et autre activité sur le canal et ses berges, de façon à retrouver le rapport à l’eau.
L’objectif est également de mettre en valeur les perles que l’on trouve le long du fil d’eau et de redécouvrir des sites : le port de l’Embouchure, l’écluse des Minimes, l’écluse et le pont-canal de Saint-Jory par exemple. Pour cela, il faut gagner de l’espace et simplifier les flux de circulation : le piéton le long de l’eau, le cycliste plus en hauteur et sur de vrais parcours continus, puis l’usager des transports en commun et l’automobiliste.
C’est aussi une réflexion à l’échelle du quartier pour diffuser la nature dans les rues avoisinantes et créer des liens avec des points d’intérêt : squares, monuments, etc. D’autant plus que l’Unesco* impose une zone de protection autour du bien, dans l’épaisseur du tissu urbain. Mais nous n’aurons pas une écriture identique sur les 30 km. Par exemple, sur le canal de Garonne, la dimension environnementale prédomine : il s’agit de renforcer la fonction de corridor écologique et de créer des liens avec la Garonne.
* Voies navigables de France est l’établissement public national gestionnaire des canaux
* Le Canal du Midi est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996
Comment va-t-il se dérouler ?
La première opération emblématique aura lieu dans le centre de Toulouse, sur le parvis Brienne - Saint-Pierre*. D’ici fin 2025, l’espace allant de l’écluse au début des allées de Barcelone sera remis en valeur. C’est un très beau point de départ d’un projet au long cours, qui ira jusqu’à 2035.
En parallèle, plusieurs opérations d’urbanisme tactique seront menées. Ce sont des aménagements temporaires pour les tester à moindre coût avant de les déployer définitivement ou pas. On peut imaginer, par exemple, fermer la trémie des Minimes pour y installer des transats invitant à la détente ou réinvestir le grand parking du port Saint-Sauveur avec des kiosques. C’est l’approche de la ville par l’espace ouvert.
Aujourd’hui, alors qu’on va vers des villes toujours plus denses, qui se transforment sur elles-mêmes, les espaces ouverts - le vide - créent du lien entre les quartiers, des continuités, à condition qu’ils soient de qualité et bien proportionnés par rapport à la densité qui les entoure. À l’image de ce que nous avons réalisé à Pantin sur les anciens docks : transformés en place au bord du canal de l’Ourcq, ils ont retrouvé une attractivité. Mais chaque lieu est différent et livre lui-même le sens de ses aménagements. L’inspiration vient en s’imprégnant de son ambiance. Il est fondamental d’ancrer un projet dans son site.
* Plus d’infos sur jeparticipe.metropole.toulouse.fr
Il y a là une formidable opportunité de transformer cet espace, aujourd’hui lieu de passage, en lieu de destination.
Bio express
Diplômée de l’École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, Jacqueline Osty crée son agence en 1985, qui devient en 2007 l’Atelier Jacqueline Osty & Associés. Paysagiste de notoriété internationale, elle reçoit le Grand Prix National du Paysage en 2005 et 2018, puis le Grand Prix de l’Urbanisme en 2020. Elle travaille sur des projets variés : des parcs (Martin Luther King à Paris), des projets d’espaces publics (Place des Jacobins à Lyon) et des projets urbains (Rouen, Île de Nantes).
